Q

uelques jours étaient passés depuis… l’incident. Si je puis dire. Le dérapage. Le baiser. Entre autre. Le baiser, ce mot, quand il me traversait parfois l’esprit,  me donnait le vertige. Contrairement à ce que je pensais, je n’avais absolument rien oublié de cet échange interdit. Il m’arrivait encore souvent d’y penser. A vrai dire, je ne pensais qu’à cela. Rien de particulier ne s’était produit depuis ce soir-là, j’en étais toujours au même point. A me torturer l’esprit de questions, de doutes et de sentiments tels que la honte, les regrets. Rien d’autre ne s’était produit, alors il ne me resterait plus qu’à me racheter et à garder le secret. Mais je n’étais pas le seul à le préserver. Alexis aussi était impliquée. Mais le pire se trouvait toujours en moi. A mes incertitudes, je mêlais d’autres plus agréables sensations comme le désir, le plaisir, et sûrement beaucoup d’autres choses que je ne connaissais pas encore et dont la douceur et la violence me surprenaient encore. Mais c’était trop. Beaucoup trop pour moi. Et je ne pouvais décemment pas me laisser aller à de telles idées. Je préférais de loin ne garder, ne me concentrer que sur le mauvais. Je n’avais finalement pas besoin de m’y forcer, ce souvenir me ramenait irrémédiablement à ma famille, à Pansy. A Père.

A cela s’ajoutaient d’autres préoccupations, plus graves encore. Ce soir-là, les yeux rivés sur le sol, perdu dans mes pensées, je faisais les cent pas dans ma grande chambre. Ce soir-là, je savais pertinemment que les choses allaient changer, pour tous, pour ma famille, mais pour moi surtout. Père devait se racheter auprès du clan des Mangemorts et j’en serais forcément impliqué. Père l’avait sous-entendu plusieurs fois sans réellement me donner de détails – j’en avais assez d’être laissé de côté. Mère aussi, dans sa lettre. Cette assemblée des Mangemorts, qu’ils soient anciens ou toutes nouvelles recrues – dont certainement moi-même –, s’est avéré il y avait quelques jours déjà et le moment fatidique était arrivé. A l’étage d’en-dessous, je supposais les invités arrivant au compte-goutte, d’autant plus que j’avais choisis de laisser la porte de ma chambre ouverte. Mais notre manoir était tellement grand, que sans sortilège il serait difficile de percevoir une quelconque voix.

Pourtant, je pus percevoir un bruit provenant du balcon, ce qui me fit sortir de mes pensées. Puis quelqu’un toqua à la fenêtre. Je me dirigeai vers celle-ci pour tirer les rideaux. La vue d’Alexis à travers la vitre ne fit que renforcer la boule que j’avais au creux de l’estomac ainsi que dans la gorge, m’inquiétant pour ce qu’il se passait en bas. Je l’observai pendant quelques secondes. Depuis l’autre soir, nous nous étions forcément souvent recroisés sans pour autant se parler ou passer du temps ensemble. Pour l’heure, je n’avais aucune envie de devoir lui faire face, de me retrouver seul avec elle, dans une chambre. Dans ma chambre. Mais je n’avais pas vraiment le choix. J’ouvris alors la grande fenêtre. « Eh, » me dit-elle simplement, presque timidement. Ce n’était pas la Alexis de d’habitude, là froide. Alors que nous nous faisions face, un malaise s’installa directement. Et je me braquai complètement. Un minimum d’enthousiasme de sa part aurait pu un peu m’aider. Je me mis sur le côté, droit, pour te laisser entrer. « Bonsoir, » lui répondis-je finalement. Je me tournai vers toi, tu t’étais installer sur mon lit. Mon esprit ne put alors s’empêcher de partir dans mes derniers souvenirs. Encore et encore. Comme si je n’y pensais pas déjà assez. Mais me remémorant l’épisode, je me rendis compte que, focalisé sur mes propresproblèmes, j’en avais oublié les blessures sur… sa peau. Mais je n’avais aucune envie d’en parler pour le moment.

« Mon père parlait d'une réunion ici. Je l'ai suivis, savoir ce qu'il se trame. On peut les espionner ensemble, si t'es d'accord, me dit-elle finalement. Très bonne idée, Rosier.

- Je suis d’accord, même si je devrais plutôt suivre les ordres et attendre patiemment. Je ne sais pas s’ils sont tous là. On n’entend pas grand-chose d’ici. »

Braqué disais-je, pourtant je fis l’effort. D’autant plus que son idée était pour le moins alléchante. Nous n’allions dans tous les cas pas rester là à nous regarder dans le blanc des yeux sans rien faire alors qu’il y avait beaucoup plus important au rez-de-chaussée.

« Tu es venue avec une idée en particulier ? Un sortilège ? Un objet ? Ou bien alors totalement se risquer à se rapprocher et se cacher pour écouter. Mais ce serait idiot de se faire prendre, dans une telle position, par ce genre de sorciers. »

A

la seconde même où je lui posai cette question je m’attendais au pire, en particulier lorsqu’un sourire narquois se dessina sur son visage fin et pâle, semblable au mien. Que préparais-tu encore ? J’avais ma petite idée en tête. Mais dans tous les cas, je retrouvai la Alexis que je connaissais bien. Un rictus similaire au sien aurait pu naître sur mon visage si elle n’avait pas sorti de sa poche un étrange objet, une oreille en fait, que je devinais provenir de la stupide boutique des Weasley au vu du ridicule de l’engin. C’est que tu en es fière en plus. A sa vue j’aurais très bien pu former la grimace de dégoût et de mépris qui m’était propre mais je me contentai de froncer durement les sourcils. Et une certaine colère commença à se former en moi, que je devais, et que j’allais, contenir, mais elle piquait mes nerfs. Énième pique. Elle avait beau se plaindre de mon caractère, elle s’en amusait. Elle s’amusait à me chercher tout en sachant qu’elle allait bien vite me retrouver. C’était devenu une habitude, notre petit passe-temps préféré et il semblerait que Rosier y ait pris goût au fil des années. Cette idée me fit sourire intérieurement. Passe-temps que nous partagions tous deux, seuls, à l’écart de tous. Cette manie de vouloir détruire l’autre par les mots et c’était pourtant paradoxalement de cette seule façon que nous nous exprimions notre… Amitié ? Affection ? Non. Chaque terme me venant en tête me donnait des haut-le-cœur.

« Peut-être sont-ils vraiment contagieux, oui. Il semblerait qu’ils t’aient déjà toi-même contaminée. Mais ils n’auront pas enlevé ton amertume envers moi. Une chose que tu partages plutôt bien avec eux, » répondis-je lorsqu’elle se leva de mon lit.

Mais l’heure n’était pas à chipoter pour un outil qui pourrait nous être très utile ce soir-là, inutile de se mentir. Chose que je n’eus pas besoin de dire à Alexis puisque nous prenions tous deux la direction de la porte puis du couloir. Je pouvais entendre la voix de mon père à l’entrée, à la porte du manoir, accueillant chaque sorcier. Caché derrière le mur de ma chambre, je laissai doucement dépasser un de mes yeux pour examiner la scène. Il fallait être discret. Alexis avait été plus rapide et tête brûlée, elle était déjà en place. Je prenais davantage mon temps. Malgré les vêtements noirs, il était difficile de passer inaperçu avec une grande taille, un teint pâle et des cheveux clairs. J’attendis le bon moment pour passer de l’autre côté – prenant le risque d’être dans le champ de vision des adultes – et atteindre félinement le mur d’en face y collant directement mon dos. Je fermai les yeux un instant, espérant ne pas avoir été repéré. Il semblait que non. Je laissai alors mon dos glisser contre le mur jusqu’à me retrouver assis au sol. Alexis avait déjà dégainé son petit joujou, elle ne perdait pas de temps. Pour le moment je ne bougeais pas, ouvrant l'oreille, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant à écouter. Simplement des salutations brèves, froides, hormis l’entrée fracassante de Greyback qui faisait tout un cinéma.

« Quitte à camper ici, j'aurais dû apporter des provisions, » dit-elle doucement.

Je levai les yeux au ciel mais je voyais où elle voulait en venir, le « spectacle » était sur le point de commencer. De son oreille dégoûtante, on pouvait entendre la voix d’Oscar Nott qui invitait les autres sorciers à prendre place puis commença à se présenter. Le sujet de conversation attira mon attention et je rejoignis Alexis près de son oreille factice. J’aurais pu utiliser un Sonorus mais d’ici je n’étais pas certain que le sortilège fonctionne et je m’inquiétais donc qu’un des adultes se rende compte de la supercherie. D’ailleurs, il y avait longtemps que je ne m’étais pas retrouvé en une telle position, comme préparant un mauvais coup. Après tout, même si c’était toujours amusant, j’avais grandis.

« […] Mais si j’ai décidé de libérer certains d’entre vous d’Azkaban et de vous réunir tous ici ce soir, c’est parce que j’ai eu la chance de découvrir ce qui sera en mesure de ramener le Seigneur des Ténèbres. »

Un moyen de ramener le Seigneur des Ténèbres ? Un signe de son éternelle existence, passe encore, tout le monde était déjà au courant. Mais un moyen de le ramener ? Comment cela était-il possible ? Quel moyen ? Un frisson traversa mon échine à l’idée qu’il serait peut-être bientôt de retour. Mais nous n’y étions pas encore et nous attendions simplement les informations croustillantes. Effrayantes. Mes sourcils se froncèrent encore. Je ne comprenais pas – pas encore – et un silence s’installa au rez-de-chaussée. Troublé, je jetai un coup d'oeil vers Alexis. Très mauvaise idée. Ce fut seulement à ce moment-là que je me rendis compte à quel point nous étions proches l’un de l’autre, là, à genoux par terre. Mais autant ne pas le lui faire remarquer. Alors je tournai une nouvelle fois le regard et c’est à ce moment-là que Nott reprit la parole.

« Il m’a été donné de découvrir et de prendre possession de cet étrange objet, simple, discret mais qui nous sera indispensable dans notre quête. J’ai, il y a quelques jours, rencontré en privé Rodolphus Lestrange ici présent. Lui ayant proposé d’être de mon bras droit dans la suite des événements, je lui ai demandé de me donner sa réponse ce soir, qu’elle soit positive comme négative. Et pour lui prouver que ma demande est sincère et de bonne grâce, je vais lui permettre de toucher cette sphère. »

Un objet ? Une sphère ? Mais pourquoi la toucher ? Il s’agissait certainement d’un objet renfermant des forces maléfiques. Surtout en sachant à quel point mon père aimait collectionner les objets de magie noire… En tout cas, nouveau silence. Je retournai mon attention sur Alexis en soufflant, plus pour moi-même, ou en tout cas pensant à haute voix « Qu’est-ce que ça signifie ? »

A

lors que je posai cette question, elle me parut complètement stupide à la seconde même où je l’eus prononcée. Toi comme moi, savions ce que cela signifiait, les paroles de Nott ne pouvant pas être plus explicites. Mais je ne pus empêcher une soudaine vague d’inquiétude, pour ne pas dire de peur, me traverser pour emporter tout sentiment s’apparentant à la joie, plus infime fut-il. En l’instant, j’avais simplement envie de rire, comme au bon vieux temps, même si ce n’était qu’avec ces deux idiots de Crabbe et Goyle qui n’étaient finalement pas vraiment mes amis – et je réalisais que je n’avais en fait pas de réels amis, juste toi -, juste deux chiens qui me suivaient à la trace et qui m’obéissaient au doigt et à l’œil. Je leur étais supérieur, je le savais, ils le savaient et j’aimais ça. Ils me seraient sûrement d’ailleurs très utiles dans quelques temps. J’imagine… J’avais envie de rire mais ce ne serait plus possible dans les jours à venir. Et cela faisait déjà bien longtemps que j’avais perdu ma joie de vivre, depuis le jour de l’annonce de mon alliance avec Pansy qui m’avait plongé directement et assez tôt dans de lourdes responsabilités. D’autres allaient m’être bientôt données…

Alors que je tournais mon visage vers Alexis, je pus lire dans ses yeux beaucoup de choses mais de la détresse en finalité. Notre proximité ne me dérangeait plus. J’étais de toute façon bien trop occupé à attendre la suite de la conversation. Je savais déjà pertinemment depuis quelques temps que des choses se tramaient ci et là. Un objet aux grands pouvoirs appartenant au Seigneur des Ténèbres… Cela me glaçait le sang. Un signe… Et si ce signe était cette fameuse boule depuis le début ? Une découverte et une bonne raison de libérer les partisans d’Azkaban. « (…) Et en effet, les visions que renvoie la sphère montrent distinctement que si nous la baignons dans le sang de Potter, le Seigneur des Ténèbres reprendra vie. Comment est-ce possible ? Eh bien, je conçois que cela puisse paraître incertain voire improbable mais je pense qu’il serait possible que notre Maître ait pensé à faire perdurer son âme d’une façon ou d’une autre, qui n’attend qu’à être libérée jusque lors. Et puis, je crains que ce soit la seule piste que nous ayons. Alors pourquoi ne pas essayer ? » Cela confirmait mes doutes. D’ailleurs, j’étais tellement absorbé par la sphère, les Mangemorts et le possible retour du Seigneur des Ténèbres, que j’en eus oublié cet abruti de Potter. Une rage m’envahit à ce simple nom. Bien évidemment, celui-là était toujours là, partout, au cœur de l’attention. Mais il rigolera moins lorsque le Seigneur des Ténèbres reprendrait vie…

Après tout, il fallait me reprendre, j’avais toujours rêvé que notre magie s’étende sans avoir à se cacher et ainsi vivre pleinement de nos pouvoirs. Et les Sang-de-Bourbe ne méritaient pas d’appartenir à notre communauté. Et ce Saint Potter… Ma soudaine rage fut interrompue durant quelques secondes, à l’entente d’une phrase en particulier prononcée par Oscar Nott. « Dans tous les cas, notre meilleure arme sera alors les élèves. Vos enfants. Je pensais, comme vous y pensez aussi tous en l’instant, au jeune Drago. Il partage apparemment les mêmes idées, les mêmes envies et les mêmes motivations que ses parents et surtout que vous, Lucius. » Je ne pus empêcher mon cœur de rater un battement ni mon souffle de se couper. Mon inquiétude ne fit que s’accroitre accompagnée à présent d’une certaine peur dans le fond de mon ventre. Je le savais déjà pourtant. Mais tout était clair maintenant. Les intentions de Nott étaient claires. Il comptait se servir de moi, bien évidemment. Je sentis le regard d’Alexis me transpercer. J’osai tourner mes yeux vers elle, ne sachant absolument pas ce qu’ils pouvaient renvoyer en l’instant. Ce n’était pas du tout mon genre de montrer mes émotions en général mais sans vraiment le vouloir, j’étais un peu plus naturel avec Alexis. Je tentai néanmoins de lui cacher le plus possible mes émotions. Dans tous les cas, je devais me montrer fort. Ils comptaient à présent tous sur moi. Sans moi, ils ne pouvaient rien faire. Sans moi, ils étaient presque impuissants. Je me devais de le faire. Pour Nott, pour les Mangemorts, pour moi, pour mon avenir dans le futur monde des sorciers – si j’étais considéré comme faible je n’aurais droit à aucun traitement de faveur et serai (mal)traité comme les autres –, pour Mère, pour Père. Pour le Seigneur des Ténèbres, quelque fusse sa forme actuelle. Et puis, le professeur Rogue serait là pour m’aider si j’en avais besoin. Je me chargerais moi-même de Potter. Pouvais-tu lire ce qui me traversait l’esprit à travers mon regard Alexis ? Je détournai les yeux et écoutai ce que Nott disait à propos d’elle, une once de détermination ajoutée à toutes les émotions que je ressentais déjà.

« Serait-il possible de l’assagir, de lui faire changer d’avis et de la remettre dans le droit chemin ? » Je ris intérieurement. Connaissaient-ils assez Alexis pour savoir que cela était peine perdue ? Visiblement non. « En tout cas, elle est très proche de Drago et pourrait lui être d’une grande aide. » J’eus à peine le temps d’entendre cette phrase que tout son fut coupé puisque tu te levas d’un bond en tenant encore l’Oreille à Rallonge. Tu la laissas tomber pour partir te réfugier dans ma chambre, et moi, encore accroupis là comme un idiot, j’observai la scène sans broncher. J’haussai un sourcil, je ne comprenais pas. A moitié. Avait-elle vraiment pris au sérieux ces quelques dernières phrases ?

Je me relevai à mon tour mollement pour me baisser et ramasser les Oreilles à Rallonge puis je te rejoignis. A peine rentras-tu dans mon champ de vision dans l’encadrement de la porte alors que je n’avais pas encore pénétrai dans la chambre, la scène qui s’offrait à moi me stoppa de tout mouvement. Une Alexis que je ne connaissais pas, une Alexis que je n’avais jamais vu. C’est une Alexis en pleur qui se trouvait à quelques mètres de moi. La surprise n’aurait pu m’envelopper davantage, les doutes encore une fois également, ne sachant comment me comporter face à une telle tragédie. Je n’avais jamais vu, ni elle, ni qui que soit dans un tel état. Je n’avais jamais vu autant de détresse en quelqu’un. Finalement je m’approchai, arrivant silencieusement derrière de toi. Je ne trouvai rien d’autre à faire que poser lentement, doucement, une de mes mains sur ton épaule. Geste pour te prévenir de ma présence. Geste qui était pour le moment le seul réconfort que je pouvais t’apporter. Un contact. Un seul. Minime. Mais un contact tout de même. Je n’avais jamais été tactile mais l’effort était là. Un si petit geste n’allait pas me tuer. De mon autre main je jetai le gadget Weasley qui atterrit plus loin sur le sol. Nous n’en avions plus besoin. Nous n’avions plus rien à entendre.

« Tu n’auras rien à faire Alexis. Ils comptent sur moi. Moi seul m’en chargerai, je ne te demanderai jamais de m’aider, » chuchotai-je presque.